Profil et compétences des membres et du personnel

Qui sont considérés comme membres et personnel du MNP ?

Les MNP sont généralement composés de membres dont le travail est soutenu par un personnel. Les membres sont nommé∙e∙s à la suite d'un processus ou d'une procédure de sélection (sous le contrôle du parlement, d’une commission de sélection ou des autorités étatiques). En fonction du modèle de MNP choisi, le nombre de membres peut aller d’un individu (c’est, par exemple, le cas de toutes les institutions de médiation) à plus d'une dizaine (pour certaines nouvelles institutions spécialisées).

La loi portant création du MNP précise souvent les modalités de composition de l’institution ainsi que l'expérience professionnelle et les compétences requises pour ses membres. Comme indiqué à l'article 18.2 de l'OPCAT : « Les États Parties prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les experts du mécanisme national de prévention possèdent les compétences et les connaissances professionnelles requises ». Le personnel est ensuite recruté, réaffecté ou détaché par les membres, en fonction du modèle de MNP choisi.

Les membres sont nommé∙e∙s pour un mandat déterminé (renouvelable ou non), tandis que le personnel est recruté de manière permanente et représente un gage de pérennité et de stabilité institutionnelles. Une fois qu’il est opérationnel, le MNP peut aussi recruter (en fonction du modèle choisi) du personnel pour assister les membres dans la mise en œuvre du mandat de prévention ou pour accomplir des tâches administratives. Dans les deux cas, le MNP doit être habilité à choisir et à employer son personnel en fonction de besoins et de critères déterminés à sa discrétion. Les MPN doivent bénéficier de ressources humaines adéquates afin de pouvoir fonctionner de manière indépendante.

La composition des MNP et la distinction entre le rôle des membres et celui du personnel varient en fonction du modèle choisi. Ainsi, dans les cas où une institution de médiation est désignée comme MNP, le personnel est chargé de s’acquitter du mandat du MNP. En revanche, dans certaines nouvelles institutions spécialisées, ce mandat est principalement assumé par les membres. Certains MNP désignent également un∙e secrétaire général∙e parmi leurs membres, tandis que dans d'autres cas, cette fonction relève du secrétariat (ce qui peut aider à préserver la mémoire institutionnelle).

Les membres peuvent travailler à temps plein ou à temps partiel, conformément à la loi portant création du MNP et / ou à son règlement intérieur et en fonction de la portée de son mandat. Les membres à temps plein et à temps partiel doivent donc être rémunéré∙e∙s de manière adéquate pour leur travail et cet aspect doit être pris en compte lors de l’établissement du budget du MNP.

Les membres et le personnel sont tenu∙e∙s de respecter certains principes clés : confidentialité des informations à caractère personnel ; principe « Ne pas nuire » ; et non-discrimination. Par conséquent, ils∙elles doivent bénéficier des mêmes immunités contre les représailles et contre tout obstacle potentiel à la conduite de leur travail de prévention.

 

Expertise professionnelle requise pour les membres et le personnel du MNP

Pour assurer l’efficacité de son action, un MNP doit pouvoir s’appuyer sur des membres et un personnel disposant de l’expertise requise pour assumer ce mandat. En outre, le MNP, en tant qu’institution, doit collectivement faire preuve de la diversité et d’un équilibre entre les différents domaines d’expertise professionnelle et d’expériences pratiques requises pour s’acquitter efficacement de son mandat.

Certaines expériences professionnelles sont particulièrement utiles pour le mandat de MNP, notamment celles de :

  • Juristes.
  • Médecins (y compris des médecins généralistes, des médecins légistes et des psychiatres).
  • Psychologues.
  • Spécialistes des droits humains (en particulier ceux∙celles spécialisé∙e∙s sur les questions de détention).
  • Travailleurs sociaux.
  • Anthropologues.
  • Personnes disposant d’une expertise préalable dans le domaine du maintien de l'ordre, des migrations, de l'administration de la justice et des lieux de détention.
  • Personnes disposant d’une expérience spécifique de travail avec des groupes en situation de vulnérabilité.

L'institution dans son ensemble, en comptant ses membres et son personnel, devrait au minimum disposer d’une expertise juridique et médicale.

L’expertise des membres peut être renforcée par la constitution d’un groupe d’expert∙e∙s qui peuvent les assister dans leur travail.
    
Comme le précisent les lignes directrices du SPT, « les membres du mécanisme national de prévention devraient posséder collectivement les compétences et les connaissances requises pour lui permettre de fonctionner efficacement. […] chaque mécanisme national de prévention devrait veiller à ce que, par sa composition, son personnel présente la diversité de milieux, de compétences et de connaissances professionnelles voulue pour lui permettre de s’acquitter correctement de son mandat. Parmi ces compétences devraient figurer notamment les connaissances juridiques et médicales utiles ».

 

Autres éléments clés pour la désignation des membres et du personnel d'un MNP

Aux termes de l'article 18.2 de l'OPCAT, les États parties doivent s’efforcer « d’assurer l’équilibre entre les sexes et une représentation adéquate des groupes ethniques et minoritaires du pays ».

L’équilibre entre les sexes et la représentation adéquate des différents groupes ethniques et socioculturels au sein du MNP peuvent renforcer sa capacité à comprendre les besoins spécifiques des groupes en situation de vulnérabilité placés en détention et, par conséquent, à formuler des recommandations appropriées. En fonction du modèle de MNP choisi, les modalités de désignation des membres et de recrutement du personnel de cet organe doivent viser à atteindre ou consolider cet équilibre.

Les membres devraient également avoir une compréhension diversifiée des groupes spécifiques en détention (tels que les minorités socioculturelles et ethniques) et être sensibles aux différences culturelles.

 

Compétences et autres critères que doivent remplir les membres et le personnel du MNP

Compétences méthodologiques

  • Qualité de l’écoute : Lors de leurs visites dans des lieux de privation de liberté, les membres et le personnel du MNP mènent des entretiens avec les détenu∙e∙s et le personnel. Afin d’instaurer une relation de confiance et de pouvoir recueillir des informations sur les conditions de vie et le traitement dans les lieux de privation de liberté, les membres et le personnel du MNP doivent faire preuve d’une écoute attentive de ce qui est dit (et non dit) et accorder de l’attention au moindre détail.
  • Sens de l'observation : Les membres et le personnel du MNP doivent savoir observer, écouter, sentir et ressentir tout ce qui passe autour d’eux dans le lieu de privation de liberté qu'ils∙elles visitent. Cela leur permet d’analyser de manière adéquate la situation, de détecter d'éventuelles irrégularités, d’identifier les bonnes pratiques et de formuler les recommandations appropriées. Il est donc essentiel que les membres du MNP disposent d’un sens de l’observation leur permettant de trianguler les informations.

Aptitudes rédactionnelles

  • Les membres et le personnel des MNP sont tenu∙e∙s de rédiger des rapports concis et analytiques (y compris des rapports de visite, thématiques et annuels), comportant des conclusions et des recommandations claires. Les rapports de qualité contribuent non seulement à la mémoire institutionnelle d'un MNP, mais constituent également un outil efficace de dialogue avec les autorités de l'État et de sensibilisation du public sur les questions relatives à la détention.

Aptitudes analytiques

  • Les membres et le personnel du MNP collectent une grande quantité d'informations (documents, éléments tirés d'entretiens, statistiques, etc.). Il est important de vérifier et d’analyser ces informations avant de tirer des conclusions et de formuler des recommandations. L'équipe du MNP doit pouvoir traiter les informations obtenues de manière objective et les traduire en recommandations précises et exactes.

Aptitudes personnelles

  • Aptitudes à la communication : Les membres du MNP doivent communiquer avec les autorités étatiques, le personnel pénitentiaire, les personnes détenues, leurs familles et, dans certains cas, avec les victimes de torture et autres formes de mauvais traitements. Les membres du MNP doivent donc agir de manière professionnelle, faire preuve d’empathie et être capables de nouer une relation avec ces individus et d’autres types de personnes.
  • Dynamique de groupe et esprit d'équipe : Les membres et le personnel du MNP doivent faire preuve d’esprit d’équipe. Les MNP sont généralement constitués d’un groupe de personnes ayant une expertise et des formations diverses qui n’ont jamais travaillé ensemble auparavant. Ces forces conjointes doivent néanmoins favoriser une dynamique de groupe positive, leur permettant de collaborer ensemble pour élaborer une stratégie, déterminer les priorités et les modalités de travail, conduire les visites, rédiger les rapports et formuler conjointement des recommandations.
  • Respect et sensibilité : Les visites dans les lieux de privation de liberté ont une incidence sur les conditions de travail quotidiennes de chaque lieu visité. Par conséquent, les membres et le personnel doivent être respectueux et conscients des règles et règlements de chaque lieu visité. Lors des visites, les membres et le personnel d'un MNP doivent également faire preuve de respect pour les espaces de vie des détenu∙e∙s (tels que les cellules).
  • Prise en compte des vulnérabilités : Les membres et le personnel du MNP doivent être en mesure de détecter les situations de vulnérabilité, de leur accorder une attention particulière et d'évaluer si des mesures spécifiques sont nécessaires pour faire respecter les droits fondamentaux des personnes en situation de risque.
  • Disponibilité et flexibilité : Le travail d’un MNP est exigeant et ses membres ou le personnel doivent faire preuve de flexibilité et de disponibilité pour effectuer des visites (y compris parfois) la nuit et le week-end. Cela nécessite également de prévoir de longues visites (une à deux semaines dans certains cas) et dans des zones ou régions éloignées et parfois dans des conditions difficiles (y compris en ce qui concerne l'hébergement et les transports). Les membres et le personnel des MNP doivent tenir compte de ces conditions de travail inhabituelles et y répondre avec flexibilité et sens des responsabilités.
  • Intégrité vis-à-vis de l'institution : Chaque membre ou personnel du MNP représente cet organe ainsi que ses priorités et sa méthodologie de travail. Les membres et le personnel doivent se focaliser sur la mise en œuvre des objectifs du MNP, et non sur ceux d'autres institutions ou de leurs organes d’origine – dans le cas, par exemple, d’individus issus d’ONG, de ministères, etc.
  • Approche fondée sur les droits humains : Il existe un certain nombre de traités et de lignes directrices spécifiques sur les droits des personnes privées de liberté et des individus en situation de vulnérabilité. Les membres et le personnel du MNP doivent adopter une approche globale fondée sur les droits humains afin de protéger les droits fondamentaux de toutes les personnes privées de liberté, sans discrimination, et de défendre la dignité inhérente de chaque individu ; ces normes doivent constituer un critère d'évaluation des conditions de vie et du traitement des personnes privées de liberté.

 

L’indépendance et l'impartialité des membres et du personnel du MNP

L’article 18.1 de l’OPCAT fait obligation aux États parties de garantir l’indépendance des MNP dans l’exercice de leurs fonctions et l’indépendance de leur personnel.

Les membres et le personnel des MNP doivent être indépendant∙e∙s des autorités de l'État ou d'autres institutions du point de vue personnel et institutionnel. Cela signifie que les membres et le personnel doivent travailler pour cet organe à titre personnel et uniquement dans l’intérêt du MNP. Par conséquent, les membres du MNP ne doivent pas agir pour le compte d’autres parties prenantes, qu’il s’agisse d’institutions gouvernementales ou non gouvernementales.

Les membres et le personnel du MNP doivent avoir les capacités, en pratique, d'assumer leurs responsabilités sans ingérence des autorités étatiques ou de toute autre partie prenante. Le MNP doit définir ses propres priorités, indépendamment de tout agenda politique.

Le MNP ne doit pas mener d'activités ni inclure des personnes occupant des fonctions susceptibles d’être incompatibles avec le mandat du MNP (ou qui sont détachées de ces fonctions pour une courte durée). Parmi ces postes figurent notamment ceux qui relèvent du pouvoir exécutif et du système de justice pénale ou de l'application de la loi. En d'autres termes, les membres de cet organe ne doivent pas être placé∙e∙s dans une position où ils∙elles seraient amené∙e∙s à surveiller des institutions pour lesquelles ces personnes ont travaillé ou dont elles ont fait partie.

De même, les membres et le personnel ne doivent être soumis∙e∙s à aucune allégeance personnelle envers des personnalités politiques ou des agent∙e∙s chargé∙e∙s de l’application de la loi.

Les membres et le personnel doivent être personnellement indépendant∙e∙s et perçu∙e∙s comme tel∙le∙s. Par conséquent, le travail du MNP pourrait être gravement compromis si le comportement d’un∙e membre agissant de manière impartiale est perçu comme partial en raison de son appartenance politique ou d’un poste que cette personne a précédemment occupé.

Les membres et le personnel doivent être protégé∙e∙s contre toute ingérence de l'État ou d’un acteur tiers dans leur travail et doivent bénéficier d’une garantie d’inamovibilité pendant la durée de leur mandat. Cela leur permet d’agir en toute indépendance et sans crainte de perdre leur emploi. Ces personnes doivent également être protégées, pendant et après la fin de leur mandat, contre toutes représailles liées aux actions menées dans le cadre de leur travail pour le MNP.

A cet égard, les lignes directrices du SPT précisent que : « L’État devrait garantir l’indépendance du mécanisme national de prévention en veillant à ne pas nommer des membres qui occupent une position susceptible de donner lieu à des conflits d’intérêts […]. Les membres des mécanismes nationaux de prévention devaient eux-aussi faire en sorte de ne pas occuper ou accepter de fonctions susceptibles d’entraîner des conflits d’intérêts ».

Quelles situations sont susceptibles de représenter un conflit d'intérêts ?

L’action des membres et du personnel du MNP ne doit être aucunement liée à leurs fonctions précédentes. Par exemple, un∙e avocat∙e ne doit pas suivre le cas d’un∙e de ses client∙e∙s, ou s’entretenir avec lui∙elle, lors d’une visite en prison. De même, un∙e représentant∙e d'une ONG ne doit pas fournir d'informations sur le cas d'un∙e détenu∙e intéressant spécifiquement l’ONG pour laquelle il∙elle travaillait. De tels risques peuvent être atténués en veillant à ce que les membres du MNP travaillent à temps plein pour l’organe de prévention et n'exercent aucune autre activité professionnelle. En outre, une bonne pratique consiste à inclure dans la loi portant création du MNP une disposition relative aux cas de conflit d’intérêts.

Dans certains cas, les membres ou le personnel peuvent avoir noué des relations sociales ou amicales avec, par exemple, les autorités pénitentiaires ou des personnes détenues. Dans ce cas, ces individus peuvent se trouver dans une situation de conflit d’intérêts temporaire ; ils doivent alors l’indiquer et s’abstenir de s’entretenir avec des détenu∙e∙s ou de participer à une visite spécifiques.

Certains individus - membres du MNP ou faisant partie de son personnel - peuvent avoir acquis une expertise suite à une expérience professionnelle antérieure dans des lieux de privation de liberté, ce qui peut permettre au MNP de mieux comprendre le système de détention. Cependant, cette situation peut placer cette personne - en tant qu'ancien∙ne collègue du personnel travaillant dans le lieu de privation de liberté - dans une position délicate et l'empêcher de s’impliquer dans le travail du MNP de manière constructive et objective. Dans ce cas, les membres ou le personnel concerné∙e∙s peuvent contribuer à la préparation d'une visite dans un lieu où ils∙elles avaient travaillé par le passé, sans participer à la visite elle-même.
 
Les MNP ont parfois recours à des expert∙e∙s externes – qui possèdent une expérience et des connaissances dans le domaine de l'application de la loi ou de l'administration de la justice. Ces expert∙e∙s peuvent donner des conseils ou participer aux visites de lieux de détention, sans faire partie du MNP, afin d'éviter des situations de conflit d'intérêts.

Le travail des MNP est exigeant et a une nature opérationnelle. Par conséquent, les membres devraient être rémunéré∙e∙s en fonction de leur niveau d'expertise et de responsabilité. Cela permet aux membres de travailler exclusivement pour le MNP et d'éviter les situations susceptibles de donner lieu à des conflits d’intérêts, lorsque des membres ou le personnel d'un MNP conservent leur emploi d'origine pendant leur mandat.

Des agent∙e∙s de l’État ou des fonctionnaires détaché∙e∙s peuvent-ils∙elles travailler pour des MNP ?

Le personnel du MNP doit être indépendant des autorités de l'État du point de vue institutionnel et personnel. Dans certains cas (en particulier pour des raisons budgétaires), des fonctionnaires peuvent être détaché∙e∙s pour travailler au sein du MNP afin de fournir un soutien et de réduire les coûts, bien que cette situation ne soit pas idéale. Dans ce cas de figure, ce personnel doit se consacrer pleinement au travail du MNP et ne doit pas rendre compte de son action à son ministère ou service d'origine. Ces personnes doivent respecter - pendant et après leur mandat - la confidentialité des informations recueillies dans le cadre de leur travail pour le MNP.

Pour garantir l’indépendance du personnel détaché, il est possible de veiller à ce que ces individus soient mis à disposition du MNP uniquement pour une longue durée. Pendant cette période, le personnel doit rendre compte de son action exclusivement au MNP. En outre, le personnel détaché devrait être choisi à la discrétion des membres du MNP et selon un processus clair, transparent et fondé sur le mérite.

Dans tous les cas, le personnel détaché ne devrait pas occuper des postes de direction et de prise de décision au sein du MNP.

Les membres et le personnel du MNP devraient-ils∙elles bénéficier des mêmes privilèges et garanties ?

Le MNP recueille des informations à caractère confidentiel et est parfois amené à traiter de cas de torture dans les lieux de détention. Par conséquent, les membres et le personnel doivent bénéficier d’une immunité les protégeant contre toute menace ou influence visant à faire obstacle à leur travail.

Le personnel effectuant des visites dans les lieux de détention doit également bénéficier de garanties contre toute intimidation et tentative d'entraver leur travail.