Hébergement

Éléments clés

Au vu de la quantité d’heures passées en cellules ou en dortoirs quotidiennement, les conditions d’hébergement ont impact considérable sur la manière dont est vécue la privation de liberté. Au minimum, ces conditions doivent être compatibles avec la dignité de la personne.

L’architecture du lieu de détention et tout particulièrement la conception des cellules ou des dortoirs doivent pouvoir contribuer à garantir la protection des personnes et garantir un minimum d’intimité à chaque individu.

Les cellules et dortoirs devraient être équipés de salles d’eau et de WC et comporter un mobilier de base, en bon état, pour rendre la vie en détention supportable.

La surpopulation, combinée avec des conditions matérielles d’hébergement inférieures aux standards, peut conduire à des situations de mauvais traitements, voire de torture.
 

Imprimer section

Analyse

Si la prison représente le lieu de vie des personnes détenues, leur cellule et dortoirs peuvent être considérés comme leur « chez-soi ». C’est en tout cas là où elles passent la plupart de leur temps : au minimum la nuit, au maximum la quasi intégralité de leurs journées. La configuration et les conditions matérielles de leur hébergement constituent donc des éléments essentiels pour atténuer les effets délétères de la privation de liberté.

Les conditions matérielles d’hébergement devraient être comparables aux standards de vie moyens à l’extérieur, ce qui généralement est loin de la réalité carcérale. Les conditions de vie au sein des établissements doivent être compatibles avec la dignité de la personne pour ne pas constituer une forme de mauvais traitement ou de torture.

L’hébergement des détenu·e·s doit respecter le principe de séparation entre personnes prévenues et condamnées, entre hommes et femmes, et entre adultes et enfants.

Architecture et conception

L’architecture du lieu de détention doit garantir que les lieux de vie soient à la fois sains et sûrs. De plus, la conception de ces lieux doit garantir un minimum d’intimité et contribuer à l’objectif de réinsertion. Dans la pratique, les conditions d’hébergement différent considérablement d’un pays à un autre, mais aussi d’un établissement à un autre, notamment en fonction de la taille, de la vétusté, de la salubrité, ou encore du type de régime en vigueur.
Les établissements les plus anciens tendent à ne pas offrir des conditions d’hébergement adéquates, à cause des risques d’insalubrité, mais également du fait de leur conception. Il en va de même pour les lieux qui n’ont pas été créés initialement comme prisons et sont réaffectés comme telles par la suite. Il arrive également qu’à l’intérieur d’une prison, par manque de place, des locaux, tels que des entrepôts ou des ateliers, soient réaménagés en cellules, sans qu’elles offrent des conditions d’hébergement satisfaisantes.

Les établissements les plus récents se caractérisent parfois par une architecture qui tend à la déshumanisation des rapports sociaux : même si les prisons modernes garantissent souvent des conditions matérielles d’hébergement de meilleur standing, elles ont tendance à privilégier l’impératif sécuritaire et le souci d’économie au détriment des objectifs de réinsertion.

Les nuisances sonores, dans un contexte de privation de liberté, peuvent s’avérer particulièrement pénibles à endurer. La qualité des cloisons ou des murs entre les cellules, ainsi que les portes et revêtements, devraient garantir un minimum d’insonorisation, surtout dans les établissements où les détenu·e·s passent la majorité de leur temps en cellule. Il arrive que les bouches d’aération, trop bruyantes, soient obstruées par les détenu·e·s, affectant ainsi directement la qualité de l’air dans les cellules ou dortoirs.

Cellules ou dortoirs?

Les standards internationaux tendent à encourager le recours à l’encellulement individuel pour la nuit, aussi bien pour les personnes en attente de jugement que pour les condamné·e·s, même s’ils reconnaissent dans certains cas le droit des autorités à privilégier les lieux d’hébergement collectifs, notamment pour des raisons d’ordre culturel. Même dans de tels contextes, le nombre de détenu·e·s par cellule collective devrait être restreint et les personnes partageant leur dortoir soigneusement choisies afin de limiter les risques d’abus. Dans la mesure du possible, les personnes détenues doivent pouvoir choisir avant d’être contraintes de partager une cellule pendant la nuit.

Les facteurs culturels ne justifient cependant pas l’existence de méga-dortoirs, hébergeant des dizaines de détenu·e·s voire plus, où la promiscuité réduit l’intimité à néant et génère des risques sérieux d’abus et de violence. Les changements parfois fréquents de détenu·e·s dans une cellule collective ou un dortoir peuvent déstabiliser  et fragiliser ses occupant·e·s. En outre, en cas de troubles dans les dortoirs, il est plus difficile d’éviter le recours à la force de la part des autorités pour y mettre un terme. Enfin, dans les dortoirs de grande taille, les installations sanitaires risquent d’être mal entretenues du fait de la grande charge pesant sur les installations communes.

Si les standards recommandent un encellulement individuel pour la nuit, c’est avant tout pour offrir à chaque personne un espace où elle sera protégée des violences d’autrui et lui garantir un minimum d’intimité, éléments qui contribuent à alléger les contraintes imposées par la privation de liberté et faciliter la réinsertion ultérieure.

Dimension des cellules et dortoirs

Des conditions d’hébergement dignes impliquent que les personnes détenues doivent avoir à disposition un minimum d’espace vital au sein de la prison. En cellule individuelle, l’espace disponible devrait être au minimum de 7 m2 (CPT, ou 5,4 m2 selon le CICR). Dans les cellules à plusieurs et dans les dortoirs, les minima suivants devraient être respectés: 10 m2 pour deux détenu·e·s, 21 m2 pour cinq détenu·e·s, 35 m2 pour sept détenu·e·s et 60 m2 pour 12 détenu·e·s (CPT). Dans les dortoirs, l’espace au sol pour chaque détenu·e ne devrait jamais être inférieur à 4 m2 (CPT, 3,4 m2 selon le CICR). Il ne s’agit là que de minima visant à garantir que les conditions de détention ne constituent pas, en tant que telles, une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. L’espace disponible par individu doit donc être mis en regard avec la durée passée en cellule, la salubrité et d’autres considérations pouvant péjorer la situation de la personne. En outre, l’espace de vie en cellule/dortoir n’inclut pas seulement la place pour le lit, le mobilier ou les effets personnels, mais également l’espace nécessaire pour se mouvoir et faire de l’exercice.

Les considérations liées à l’espace disponible doivent toujours être mises en regard avec d’autres facteurs, tels que l’état de salubrité des lieux, le temps passé hors cellules, ou la surpopulation.
 

Mobilier et personnalisation des cellules

Les cellules individuelles ou pour deux personnes doivent offrir un mobilier de base en bon état et incluant un lit, une chaise et une table par personne, ainsi qu’une armoire et/ou une étagère individuelle. Un hamac ne peut pas être considéré comme un lit, et ce dernier doit toujours comporter un matelas. Tout lit doit faire au minimum 2m de long et 0,8m de large (CICR).

L’espace entre les meubles doit permettre de se mouvoir aisément, de faire de l’exercice et de travailler ou étudier à sa table. Le mobilier devrait être le plus agréable et ergonomique possible. Les personnes détenues devraient avoir à disposition un endroit fermé pour conserver leurs biens et papiers personnels autorisés en cellules.

Dans la pratique, il se trouve souvent que le mobilier est insuffisant et/ou en mauvais état d’entretien, et que les placards et espaces de rangement se limitent, au mieux, à de simples étagères. Les détenu·e·s se voient parfois obligé·e·s d’entreposer leurs effets sur leur lit, voire à même le sol. Dans certains cas, pour pallier le manque de mobilier, les détenu·e·s sont contraint·e·s de fabriquer des étagères avec du carton pour y ranger leurs effets personnels.

La cellule représentant le lieu de vie des détenu·e·s, il est important, particulièrement pour les personnes exécutant des longues peines, qu’elles puissent la décorer avec des objets personnels, y compris des images et photographies. La personnalisation de la cellule par le biais de décoration et la stimulation visuelle devraient non seulement être permise mais également encouragée. Le personnel doit quant à lui se montrer respectueux des objets et décorations personnels des détenu·e·s.
 

Respect de l’intimité

La prison est par définition un lieu qui restreint l’intimité et la vie privée des personnes. Les restrictions dans la liberté d’aller et venir, les impératifs sécuritaires, la surveillance continue, la prévention des évasions, ou encore la prévention des violences limitent fortement le droit à la vie privée des détenu·e·s. Malgré ces multiples restrictions, le droit à l’intimité doit être garanti tout en s’accommodant des exigences de la vie collective et des missions assignées aux établissements de privation de liberté. Les conditions d’hébergement sont ainsi étroitement liées à la préservation de l’intimité.

L’encellulement individuel pour la nuit contribue pour beaucoup à garantir ce minimum essentiel d’intimité. Même si la surveillance de la cellule à l’œilleton, y compris la nuit et avec allumage de l’éclairage, fait partie des impératifs sécuritaires, une telle pratique ne devrait pas s’effectuer sur une base discriminatoire ou à des fins autre que la surveillance. De plus, les sanitaires ne devraient pas être visibles de l’œilleton, du fenestron ou de caméras de vidéo-surveillance.

Les fouilles de cellules, même si elles sont justifiées et nécessaires pour garantir le maintien de l’ordre et prévenir les évasions, devraient toujours limiter l’atteinte à l’intimité des personnes, et les agent·e·s en charge des fouilles doivent faire preuve de respect à l’égard des objets personnels des détenu·e·s.

Hébergement et surpopulation

Les situations de surpopulation ont une incidence directe et néfaste sur la qualité de l’hébergement des personnes détenues. Dès que la capacité maximale est dépassée, l’espace individuel de chaque détenu·e se réduit, avec le risque que les dortoirs deviennent rapidement surpeuplés, que les détenu·e·s dorment à même le sol et que les cellules individuelles se transforment en cellules collectives. De telles situations accroissent la promiscuité, les tensions et les risques d’abus et de violence entre détenu·e·s. Les personnes les plus vulnérables y sont particulièrement exposées. Le minimum d’intimité ne peut plus être garanti et les conditions d’hébergement risquent de se révéler non conforme au respect de la dignité des personnes. Les situations de surpopulation, combinées avec des conditions d’hébergement insalubres et à un manque d’espace peuvent constituer une forme de mauvais traitement voire de torture.

Femmes
Personnes étrangères
Personnes handicapées
Minorités et peuples autochtones
Enfants
Personnes LGBTI
Personnes en situation de vulnérabilité

Lorsque l’infrastructure ou les capacités du lieu de détention ne permettent pas de pourvoir à un encellulement individuel pour l’ensemble de la population détenue, l’accès aux cellules individuelles pour la nuit devrait être offert en priorité aux détenu·e·s considéré·e·s comme les plus vulnérables aux abus. Le placement en cellule individuelle, lorsqu’il n’est pas la règle, ne devrait pas pour autant être imposé et devrait toujours se faire en consultation avec les personnes concernées.

Personnes handicapées

La conception de nouveaux lieux de détention devrait toujours prendre en considération les besoins de personnes à mobilité réduite. Les cellules spéciales requièrent des aménagements lourds qui ne peuvent être proprement conçus qu’au moment de l’élaboration des plans de construction. Dans les établissements plus anciens, des aménagements raisonnables doivent être réalisés non seulement pour offrir les équipements nécessaires, mais également pour permettre la circulation d’un fauteuil roulant dans la cellule. Les dimensions des cellules spéciales doivent ainsi permettre que le déplacement en fauteuil roulant jusqu’au WC soit possible sans pour autant le priver de porte. Les WC doivent être équipés pour les personnes à mobilité réduite.

Enfants

Les enfants détenu·e·s doivent toujours être séparé·e·s des adultes. Leurs conditions d’hébergement doivent être conformes à l’objectif de réinsertion et doivent satisfaire aux mesures de sécurité les moins restrictives possibles. Les enfants devraient dormir en cellules individuelles, ou dans de petits dortoirs, tout en prenant compte les facteurs culturels et les normes locales. Leur besoin d’intimité doit être tout particulièrement pris en considération dans leurs conditions d’hébergement. Il est également important que les conditions matérielles répondent à leurs besoins de stimulants sensoriels.  

Personnes LGBTI

Lorsque l’encellulement individuel pour la nuit n’est pas disponible pour l’ensemble de la population détenue, il devrait être offert en priorité aux personnes LGBTI, plus exposées aux risque d’abus de la part de codétenu·e·s, pour autant qu’elles le souhaitent. Les personnes transgenres ne devraient pas être affectées dans un secteur (ou une prison) pour hommes ou pour femmes uniquement sur la base de leur sexe biologique. Toute affection dans un quartier d’hébergement doit se faire en tenant compte leur avis, et doit prendre en considération leur identité de genre telle qu’elle est ressentie ainsi que les traitements suivis en vue d’une possible réassignation sexuelle.

Femmes

Les femmes détenues doivent toujours être séparées des hommes. Leurs conditions d’hébergement, tout particulièrement pour les femmes enceintes ou les mères allaitantes, doivent en prendre en compte leurs besoins spécifiques. Des aménagements doivent être mis en place pour les mères détenues avec des enfants en bas âge, afin de rendre leurs conditions d’hébergement les moins contraignantes possibles et en prenant en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Personnes étrangères
Minorités et peuples autochtones

Les autorités peuvent être amenées à séparer dans les quartiers d’hébergement les détenu·e·s en fonction de leur origine ethnique ou de leur nationalité afin de prévenir des violences. Une telle séparation ne doit pas être systématique, doit être revue périodiquement et ne doit pas se faire au détriment d’un groupe particulier (de moins bonnes conditions d’hébergement pour un groupe spécifique). Même si le cloisonnement peut se révéler provisoirement inévitable à des fins de prévention des violences, la prison ne doit pas contribuer à la stigmatisation ou à l’exclusion de certaines minorités.

Imprimer sectionImprimer section

Questions pour le monitoring

Quel est l’espace alloué pour chaque détenu·e en cellule individuelle, cellule multiple ou dortoir ?

Chaque détenu·e dispose-t-il/elle d’un lit et d’un matelas ?

Si les détenu·e·s sont hébergé·e·s en cellules multiples ou en dortoirs, comment le choix des placements est-il effectué ?

Quel mobilier est disponible en cellules et dans quel état se trouve-t-il ?

Les cellules ou dortoirs disposent-ils d’un point d’eau et d’un WC ? Le cas échéant, le WC est-il séparé de la cellule par une porte?

Les détenu·e·s ont-ils/elles des restrictions concernant la décoration ou l’aménagement personnel de leur cellule ?

Les espaces de rangement sont-ils suffisants et permettent-ils de garder sous clé des effets personnels ?

Les détenu·e·s sont ils/elles exposé·e·s aux nuisances sonores dans leur cellule ou dortoir ?

Femmes
Personnes étrangères
Personnes handicapées
Minorités et peuples autochtones
Enfants
Personnes LGBTI

Lorsque l’encellulement individuel ne peut être garanti pour toute la population détenue, qui a en priorité accès à une cellule individuelle pour la nuit et sur la base de quels critères ?

Personnes handicapées

Des aménagement sont-ils réalisés pour faciliter les mouvements et déplacements des personnes à mobilité réduite, y compris les usagers de fauteuils roulants ?

Femmes

Les conditions d’hébergement des femmes prennent-elles en compte leurs besoins spécifiques ? Quels aménagement sont-ils prévus pour les femmes  allaitantes ou les mères avec des enfants en bas âge ?

Enfants

Quelles sont les conditions d’hébergement des enfants ? Leurs besoins spécifiques, y compris leur besoin d’intimité, sont-ils pris en considération ?

Personnes LGBTI

Les personnes LGBTI ont-elles la possibilité, si elles le souhaitent, d’avoir une cellule individuelle pour la nuit ?

Personnes LGBTI

Les personnes transgenres sont-elles affectées dans les quartiers d’hébergements pour hommes ou femmes sur la base de leur sexe biologique ou de leur identité de genre perçue ?

Personnes étrangères
Minorités et peuples autochtones

Existe-t-il dans les cellules collectives ou les dortoirs une séparation entre détenu·e·s sur la base de leur nationalité ou de leur origine ethnique ? Le cas échéant, quelle est la motivation d’une telle pratique ?

Imprimer section

Lectures supplémentaires

Document