Borbala Ivany, Andras Kadar, et Andras Nemes (Comité hongrois d’Helsinki)

Le cas hongrois montre à quel point le climat politique et les attentes de la population en général ont un impact sur la prévention de la torture. Il existe en Hongrie un écart significatif entre, d’une part, le renforcement régulier du cadre juridique et, d’autre part, les tendances à un recours fréquent aux mauvais traitements.

Cet écart peut essentiellement s’expliquer par l’influence du contexte politique sur la pratique des autorités. Le renforcement indéniable du cadre légal a eu un effet limité en raison de l’augmentation explosive de la criminalité après la transition démocratique. De ce fait, la fréquence des cas de mauvais traitements est restée relativement élevée. L’impact de ces réformes juridiques - qui ont finalement entraîné une baisse significative du nombre de plaintes pour torture - ne s’est fait sentir qu’après l’apaisement des turbulences des premières années de transition et l’émergence d’une politique pénale moins sévère mettant l’accent sur des mesures de protection.

En Hongrie, les modifications de la législation ont rarement visé ouvertement à réduire l’ampleur des mesures de prévention de la torture, même si, dans certains cas, des modifications législatives ponctuelles destinées à améliorer le cadre de protection ne se sont pas révélé efficaces. Cependant, à partir du moment où les autorités ont essentiellement privilégié l’ordre public au détriment des droits de la défense (à savoir, après l’élection de 2010, lorsque le nombre de plaintes pour mauvais traitements a atteint un nouveau sommet - après le pic des premières années de la transition), certaines modifications législatives ont expressément visé à affaiblir certains mécanismes de prévention de la torture reconnus.

La volonté des autorités étatiques s’est exprimée dans des déclarations politiques et des instructions données à la direction de la police afin de limiter l’application des mesures de protection. Le nombre record de plaintes pour mauvais traitements, atteint en 2010, semble indiquer que l’existence du cadre juridique relativement bien développé et sophistiqué en matière de prévention, qui a été élaboré au cours de plus de deux décennies de démocratie, n’a pas été en mesure d’empêcher les autorités hongroises de changer leurs pratiques dès lors qu’une impulsion politique soudaine et très forte les a incités à produire des résultats - même au prix fort.