Séparation des détenu·e·s

Éléments clés

La séparation a pour fonction première d’assurer la protection et la sûreté des personnes privées de liberté, ainsi qu’à garantir une gestion optimale des prisons. C’est également une mesure qui vise à préserver le principe de la présomption d’innocence des prévenu·e·s et à offrir le régime de détention le plus approprié possible pour chaque catégorie de détenu·e·s.

Par principe, les femmes doivent être séparées des hommes, les détenu·e·s mineur·e·s des adultes, et les prévenu·e·s des condamné·e·s. Les personnes migrantes détenues en lien avec leur statut migratoire doivent être séparées des condamné·e·s et leur détention doit s’apparenter le moins possible à un régime carcéral. Les personnes condamnées pour dettes ou toute autre forme d’emprisonnement civil doivent être séparées des personnes détenues pour des infractions pénales.

Le principe de séparation doit se traduire soit par l’existence d’unités strictement distinctes les unes des autres au sein d’un établissement, soit par des établissements spéciaux pour les groupes concernés. La séparation ne doit pas entraîner une restriction dans l’accès aux services et prestations, ou à une détérioration des conditions matérielles de détention pour les personnes concernées.

D’autres critères de séparation peuvent être justifiés, à des fins de protection, pour des détenu·e·s en situation de vulnérabilité particulière, du fait de leur âge, de leur état de santé, de leur appartenance ethnique, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Dans de tels cas, la séparation ne doit pas être systématique, doit prendre en compte le consentement des personnes concernées, et ne doit pas équivaloir à un régime d’isolement ou à une restriction dans l’accès aux services et soins garantis par l’établissement.

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Analyse

Le principe de séparation

La séparation est une mesure utilisée pour contribuer à protéger l’intégrité physique et psychique des personnes détenues, ainsi que pour mieux travailler à leur suivi individuel et à leur réinsertion. La séparation facilite également la bonne gestion des établissements.

Les standards internationaux énoncent clairement que les femmes détenues doivent être séparées des hommes, les mineur·e·s des adultes, les prévenu·e·s des condamné·e·s et les personnes condamnées à une forme d’emprisonnement civil des détenu·e·s pour infraction pénale. 

La séparation entre prévenu·e·s et condamné·e·s repose sur le respect du principe de la présomption d’innocence. Elle permet également de rendre effective la différence de régime qui doit s’appliquer entre prévenu·e·s et condamné·e·s, qu’il s’agisse des contacts avec le monde extérieur, ou du travail et de l’accès aux formations.

Le principe de séparation peut être garanti grâce à des établissements spéciaux pour les groupes concernés (par exemple des prisons pour femmes), ou  par l’existence d’unités strictement distinctes les unes des autres au sein d’un même établissement. En l’absence d’établissements spécifiques (car  les ressources matérielles ne le permettent pas, ou lorsque le nombre de détenu·e·s concerné·e·s n’est pas suffisant pour en justifier l’existence), les personnes issues des groupes précités doivent être détenues dans un bâtiment distinct dans l’enceinte de la prison, ou dans une aile strictement séparée et sans accès possible au reste de l’établissement. Dans ce cas de figure, la séparation doit être garantie non seulement dans les cellules et dortoirs, mais également dans les espaces communs, tels que réfectoires, cours de promenade ou ateliers. Les déplacements au sein de l’établissement, y compris en vue de transferts, doivent pouvoir éviter les contacts. Pour autant, la séparation ne doit pas entraîner une détérioration du régime ou des conditions matérielles de détention pour les personnes concernées.

La séparation: ni une mesure de classification, ni une sanction disciplinaire

La séparation des détenu·e·s par catégories est distincte de leur classification. La classification doit se faire dans les premiers jours qui suivent l’arrivée dans un établissement pénitentiaire et vise essentiellement à assurer un régime de détention qui réponde le plus adéquatement possible aux besoins des personnes nouvellement arrivées, notamment dans une perspective d’individualisation de la peine et de réinsertion. Une telle classification a également pour but de prévenir le risque de fuite et de minimiser les risques de violence et de conflit. La classification se fait donc au cas par cas, sur la base d’une évaluation la plus complète possible de la situation de la personne nouvellement arrivée : âge, profil, typologie du crime ou délit, dangerosité (risque pour soi-même ou pour autrui), vulnérabilité, besoins spécifiques, etc. Si la classification se distingue de la séparation par catégories, elle peut néanmoins se traduire en pratique par une séparation, de courte ou longue durée.

La séparation des détenu·e·s n’est en aucune manière une sanction disciplinaire. A ce titre elle doit être bien distincte des mesures de mise à l’isolement à caractère disciplinaire et ne doit donc jamais entraîner une restriction dans l’accès aux services (formation, travail, etc.).

Femmes
Personnes étrangères
Personnes handicapées
Minorités et peuples autochtones
Enfants
Personnes LGBTI
Séparation pour des situations de risques spécifiques

Certain·e·s détenu·e·s peuvent se retrouver exposées à des risques de violence et d’abus de la part de codétenu·e·s, du fait de leur âge (jeunes adultes ou détenu·e·s âgé·e·s), de leur état de santé, de leur appartenance ethnique, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Afin de minimiser ces risques et/ou de soustraire les personnes concernées à la violence à laquelle elles sont exposées, les autorités doivent prendre des mesures de protection qui peuvent se traduire par la séparation physique des personnes concernées, tel qu’un changement de cellules, d’unités, voire d’établissments dans certains cas.

De telles mesures ne doivent pas être systématiques ou  discriminatoires à l’égard de certains groupes, et leur bien-fondé doit être évalué périodiquement. Lorsqu’elles visent uniquement à la protection de certaines personnes, elles devraient toujours être prises avec leur consentement, afin d’éviter des mesures arbitraires et/ou discriminatoires. Les détenu·e·s concerné·e·s sont parfois placé·e·s dans des unités pour personnes « fragiles » ou « vulnérables ». De telles unités doivent garantir pour ces personnes le même accès aux soins, services et prestations que pour le reste de la population détenue. De plus, les conditions matérielles de détention doivent être au moins aussi bonnes que dans le reste de l’établissement. Des efforts doivent être entrepris pour éviter que ce type de séparation ne contribue à stigmatiser les détenu·e·s concerné·e·s. Enfin, ce type de séparation ne doit pas se traduire par la mise à l’isolement des détenu·e·s en situation de vulnérabilité.

Les détenu·e·s porteurs(-euses) du VIH ou malades du SIDA ne doivent pas être séparé·e·s du reste de la population sur la seule base de leur statut sérologique.

Femmes
Groupes en situation de vulnérabilité

Par principe, les femmes doivent toujours être détenues séparément des hommes. Cette mesure vise avant tout à les protéger de toutes formes de violence, verbale ou physique, et notamment les violences sexuelles. Dans la mesure du possible, les femmes doivent être détenues dans des établissements différents. Dans les établissements recevant aussi bien des détenus hommes que femmes, les locaux destinés à ces dernières doivent être entièrement séparés. Dans des contextes spécifiques, il peut arriver que l’Etat prenne des dispositions afin de permettre un certain degré de mixité dans la participation aux activités pour des couples (dans lesquels les deux membres du couple sont privés de liberté). De telles mesures, qui visent à l’amélioration de la qualité de vie des personnes concernées, doivent garantir leur  protection (avant tout, celle des femmes) et doivent faire l’objet d’une supervision adéquate.

Enfants

Les détenu·e·s mineur·e·s .doivent être séparé·e·s des adultes afin d’éviter les abus, y compris de nature sexuelle, et les influences néfastes à leur développement. Les exceptions à cette règle ne peuvent se justifier que sur la base de l’intérêt supérieur de l’enfant. La séparation doit également garantir que les enfants détenus bénéficient d’un régime de détention approprié à leur âge, le plus ouvert possible, et axé sur leur rééducation. Dans certains cas, les détenu·e·s mineur·e·s peuvent être amené·e·s à participer à des programmes spéciaux de traitement en compagnie d’adultes, uniquement si les traitements en question représentent des avantages avérés, si les adultes concerné·e·s ont été soigneusement sélectionné·e·s et si les programmes en question bénéficient de la supervision requise. Les jeunes adultes (18-21 ans) devraient également être séparé·e·s des détenu·e·s adultes et bénéficier d’un régime spécial, adapté à leur âge et à leurs besoins spécifiques.

Personnes LGBTI

Les personnes LGBTI sont particulièrement exposées aux risques de discrimination et de violence verbale, psychologique et physique de la part de leurs codétenu·e·s. Séparer une personne ou un groupe de personnes LGBTI peut être une mesure de protection efficace dans certaines situations. Cependant, l’identification des personnes LGBTI ne doit être ni intrusive ni stigmatisante, et leur séparation du reste de la population détenue doit toujours se faire avec leur consentement. Les personnes ne souhaitant pas révéler leur orientation sexuelle ne doivent pas être forcées à le faire. Enfin, la séparation devrait être une mesure provisoire, dont la pertinence doit être évaluée régulièrement, et ne doit pas se traduire par une mise à l’isolement prolongée. Les personnes LGBTI qui sont momentanément séparées du reste de la population détenue doivent conserver le plein accès aux activités, services et prestations disponibles dans l’établissement.

Personnes handicapées

Les personnes souffrant d’un handicap physique ou mental ne doivent pas être systématiquement séparées du reste de la population détenue. Il est possible que certaines d’entre elles requièrent des soins spécifiques ou des mesures de protection spéciale, qui peuvent se traduire par une séparation provisoire du reste de la population détenue. De telles mesures devraient toujours se prendre avec leur consentement et en prenant soin d’éviter leur stigmatisation. Les personnes avec un handicap qui sont momentanément séparées du reste de la population détenue doivent conserver le plein accès aux activités, services et prestations disponibles dans l’établissement.
Les migrant·e·s privé·e·s de liberté pour une infraction aux dispositions relatives aux migrations ne devraient pas être détenu·e·s dans des établissements recevant des prévenu·e·s ou des condamné·e·s. Le cas échéant, les personnes migrantes doivent être strictement séparées du reste de la population détenue dès leur admission, et doivent pouvoir bénéficier du régime le plus ouvert possible.

Personnes étrangères

Les migrant·e·s privé·e·s de liberté pour une infraction aux dispositions relatives aux migrations ne devraient pas être détenu·e·s dans des établissements recevant des prévenu·e·s ou des condamné·e·s. Le cas échéant, les personnes migrantes doivent être strictement séparées du reste de la population détenue dès leur admission, et doivent pouvoir bénéficier du régime le plus ouvert possible.

Personnes étrangères
Minorités et peuples autochtones

Les détenu·e·s étranger/-ères, issue·e·s de minorités ethniques, religieuses ou de peuples autochtones doivent bénéficier des mêmes droits que le reste de la population détenue. Ils ne doivent donc pas être séparé·e·s, en se basant sur leur simple appartenance ethnique, raciale, religieuse ou autre. Il est possible cependant que certain·e·s d’entre eux/elles soient victimes de discrimination ou de violence, notamment sur la base de motifs racistes. A leur demande, et avec leur consentement, elles doivent pouvoir être momentanément séparées des détenu·e·s à l’origine des violences. Une telle séparation ne doit jamais être systématique. Dans certains contextes, les autorités sont amenées à séparer certain·e·s détenu·e·s en fonction de leur origine afin de réduire les tensions et les risques de conflits et/ou de violence à l’encontre de groupes minoritaires. De telles mesures doivent être provisoires, non-discriminatoires et doivent être revues périodiquement. Elles ne constituent en aucun cas une mesure adéquate à long terme.

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Questions pour le monitoring

Au sein de l’établissement, qui décide du placement des détenu·e·s et sur quelles bases ?

Les prévenu·e·s sont-ils/elles séparé·e·s des condamnées·e·s ? Bénéficient-ils/elles du régime approprié à leur statut ?

Enfants

Les mineur·e·s sont-ils/elles détenu·e·s dans un établissement spécifiques? Sont-ils/elles effectivement séparé·e·s des adultes ?

Les jeunes adultes sont-ils/elles détenu·e·s séparément du reste de la population carcérale? Bénéficient-ils/elles d’un régime spécial ?

Femmes

Les femmes sont-elles effectivement séparées des hommes ? Bénéficient-elles des mêmes conditions d’incarcération ?

Minorités et peuples autochtones

Les personnes détenues en lien avec leur statut migratoire sont-elles séparées des personnes en attente de jugement ou en exécution de peine ? Bénéficient-elles d’un régime adapté à leur statut ?

Femmes
Personnes étrangères
Personnes handicapées
Minorités et peuples autochtones
Enfants
Personnes LGBTI

Des mesures de séparation sont-elles prises lorsque l’intégrité physique ou morale d’une personne détenue est menacée ? Le cas échéant, cette mesure est-elle prise avec le consentement des personnes concernées ?

Femmes
Personnes étrangères
Personnes handicapées
Minorités et peuples autochtones
Enfants
Personnes LGBTI

Des personnes détenues sont-elles séparées du reste de la population contre leur volonté ?

Une personne détenue peut-elle demander à être séparée des autres détenu·e·s ?

Personnes LGBTI

Les détenu·e·s transgenres sont-ils/elles placé·e·s en fonction de leur identité de genre telle qu’ils/elles la perçoivent?

Personnes LGBTI

Les détenu·e·s LGBTI sont-ils/elles séparé·e·s des autres détenu·e·s ? Le cas échéant, comment sont-ils/elles identifié·e·s et leur consentement à être séparé·e·s est-il requis ?

Minorités et peuples autochtones

Certain·e·s détenu·e·s sont-ils/elles séparé·e·s du reste de la population du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou autre ? Le cas échéant, quelle en est la justification ?

Certain·e·s détenu·e·s ou groupes de détenu·e·s sont-ils séparé·e·s du reste de la population pour des raisons autres que leur protection ?

Femmes
Personnes étrangères
Personnes handicapées
Minorités et peuples autochtones
Enfants
Personnes LGBTI

Les ailes ou bâtiments spécifiquement dédiés à certaines catégories offrent-elles des conditions matérielles de détention équivalentes au reste  de l’établissement?