Quelles sont les mesures les plus efficaces pour réduire le risque de torture ? Telle est la question de l’ouvrage "La prévention de la torture, est-ce que ça marche ?" publié en 2016. Ce livre est le résultat d'une étude indépendante, commandée par l'APT, couvrant 16 pays sur une période de 30 ans (1984 à 2014). Par une méthodologie à la fois qualitative et quantitative, les chercheurs principaux, le Dr Richard Carver et le Dr Lisa Handley, ont analysé la corrélation entre la prévalence de la torture et un ensemble de mesures préventives, tant en droit qu'en pratique. Au cours de cette période, la torture a diminué dans les 16 pays et "une baisse générale de l'incidence de la torture s'est probablement produite au-delà des 16 pays étudiés". Les mesures concrètes appliquées en pratique dès le premier moment de la détention, telles que l'accès à un avocat et la notification de la famille, sont les plus efficaces pour réduire la torture. Les poursuites judiciaires sont également essentielles, de même que l'accès inopiné aux lieux de détention et les entretiens en privé avec les détenus. La recherche montre également qu'il existe un fossé entre le droit et la pratique et le rôle négatif du recours excessif aux aveux forcés.
Le livre "Does Torture Prevention work" est un ouvrage très important qui contient de nombreuses informations issues de recherches menées dans 16 pays et qui s'adresse à tous ceux qui travaillent dans le domaine de la prévention de la torture. Le livre incite le lecteur à réfléchir sur la manière dont fonctionnent les éléments de la prévention.
Hans Draminsky Petersen, MD TORTURE, Volume 28, Numéro 1, 2018
Quel est l'impact du livre "La prévention de la torture: est-ce que ça marche?"
Prouver que la prévention fonctionne
La recherche fournit pour la première fois des preuves scientifiques montrant que des mesures de prévention concrètes contribuent à réduire la torture. La recherche montre également quelles sont les mesures les plus efficaces et où concentrer l'attention. Cela est utile pour le travail et les stratégies des organismes internationaux et régionaux de défense des droits humains ainsi que des organisations de la société civile et des universitaires.
Influencer les politiques et les normes en matière de garanties procédurales
Les principales conclusions selon lesquelles les garanties sont les mesures les plus efficaces pour réduire la torture ont influencé les politiques des organisations régionales et internationales. En 2016, la résolution du Conseil des droits de l'homme des Nations unies a mis l'accent sur les garanties en matière de garde à vue et de détention provisoire; et le Rapporteur spécial sur la torture a appelé à un protocole universel sur les entretiens et les garanties juridiques et procédurales. Cela a également conduit à l'élaboration de lignes directrices internationales sur les entretiens non coercitifs et les garanties.
Promouvoir une approche holistique de la prévention
Les recherches montrent que les visites inopinées et les entretiens privés avec les détenus contribuent à réduire la torture. Elle souligne également que pour l’ensemble des mesures, il existe un énorme fossé entre la loi et la pratique, et que les organes de contrôle ont un rôle important à jouer. Les organes de contrôle ont de plus en plus porté leur attention sur la manière dont les garanties sont mises en œuvre en pratique (le rapport annuel 2019 du Comité européen pour la prévention de la torture porte sur les premières heures de garde à vue; ou les rapports thématiques des mécanismes nationaux de prévention).
Quel était le rôle de l'APT?
La recherche a été lancée grâce aux donateurs de l'APT. Tout au long du projet, l'APT a joué un rôle de soutien et de conseil auprès des chercheurs principaux et des chercheurs nationaux. Cependant, conformément à la liberté académique, les chercheurs principaux ont développé en toute indépendance la méthodologie, décidé du choix des pays et des chercheurs nationaux.
La recherche a été publiée par Liverpool University Press. L'APT a diffusé les résultats de la recherche et a publié sa propre lecture de la recherche: Oui, la prévention de la torture, ça marche.
En savoir plus sur la recherche "La prévention de la torture : est-ce que ça marche?"
Sur les 16 pays étudiés (dont l'Argentine et la Norvège), 14 ont fait l'objet de chapitres spécifiques à chaque pays, fournissant un compte-rendu détaillé et nuancé de l'incidence de la torture dans ces pays entre 1985 et 2014.
Ce livre est important car il s'agit du premier retour basé sur des données probantes portant sur les nombreux efforts d’acteurs nationaux et internationaux dans le domaine de la prévention de la torture. Les résultats de la recherche peuvent fournir des éléments concrets et utilisables pour ceux qui travaillent dans le domaine de la prévention de la torture, ce qui leur permet de se concentrer et d'investir dans ce qui fonctionne plutôt que de se contenter d'une réponse formatée - ce qui est malheureusement souvent la norme. Elle ouvre la voie à, nous l’espérons, une réponse plus adaptée et plus efficace.
Olivier Chow, Revue internationale de la Croix-Rouge