Si toute personne en détention est vulnérable aux abus et aux mauvais traitements, les personnes handicapées peuvent être confrontées à des risques supplémentaires. À l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées (3 décembre), nous avons invité le Mécanisme national de prévention de Slovénie à partager son point de vue sur le monitoring et la défense des droits des personnes handicapées privées de liberté. 

 

En 2021, le MNP a visité trois institutions de soins sociaux spéciaux qui fournissent des services de soins institutionnels aux adultes souffrant de problèmes de santé mentale et de déficience intellectuelle. D'après ce que vous avez pu constater de visu, quelle est la situation actuelle des personnes handicapées privées de liberté ?

Avec le manque d'options d'assistance communautaire, nous constatons que le principal problème est la surpopulation dans les unités sécurisées[1] des institutions (spéciales) de soins sociaux[2] qui fournissent des soins institutionnels à ces personnes. Malgré les avertissements et les recommandations du MNP, la situation ne s'est pas améliorée de manière significative. Cela affecte la qualité de vie des résident-e-s de ces unités et représente une charge importante pour le personnel. Par exemple, l'une des institutions visitées hébergeait encore des résident-e-s dans une pièce commune et essayait de leur offrir le plus d'intimité possible, tandis que l'autre, lorsque la capacité des lits était dépassée, plaçait des lits dans une pièce autrement utilisée pour la mise en œuvre de mesures de protection spéciales.[3]

D'après les constatations faites par le mécanisme national de prévention lors de ses visites, les conditions de vie des résident-e-s des institutions de soins sociaux spéciaux sont généralement bonnes, mais elles s'amélioreront encore avec les investissements prévus à l'avenir. La prise en charge de ces résident-e-s est toujours bonne, mais le manque de personnel spécialisé adéquat se fait de plus en plus sentir ces derniers temps, car il est difficile d'en trouver sur le marché du travail.

 

Quels sont les changements les plus importants auxquels vous avez contribué ou que vous aimeriez contribuer au fil du temps ?

Par ses recommandations et le partage des bonnes pratiques, le MNP s'efforce d'améliorer constamment les conditions de vie et la qualité des soins. Mais surtout, par son travail de prévention, le MNP tente de prévenir les mauvais traitements, les punitions, voire la torture des personnes privées de liberté. Nous souhaitons poursuivre ces efforts, et les progrès réalisés au fil des années nous donnent satisfaction et la volonté de continuer nos efforts. Par exemple, nous avons contribué à la rédaction des amendements nécessaires à la loi sur la santé mentale,[4] qui permettraient d'éviter la surpopulation en ouvrant de nouveaux quartiers sécurisés. Sur la base de notre demande, la Cour constitutionnelle a éliminé l'option prévue par la loi sur la santé mentale selon laquelle seul un-e représentant-e légal-e (c'est-à-dire le tuteur de la personne déclarée légalement incapable) peut donner son consentement pour que la personne soit admise dans un service sécurisé ou en sorte, sans qu'un tribunal ne se prononce également sur la question.

Suite à la proposition d'installer des stylos et des boîtes pour la collecte des plaintes dans les maisons de retraite, nous avons permis aux personnes privées de liberté d'utiliser des méthodes de plainte. En demandant que les plaintes soient examinées régulièrement à intervalles rapprochés, leurs plaintes sont ainsi prises en compte alors qu'elles sont encore d'actualité.

Grâce à un certain nombre de recommandations, nous avons réussi et nous nous efforçons toujours de faire en sorte que les institutions visitées respectent les dispositions de la loi sur la santé mentale et d'autres règlements. Il existe de nombreux exemples de la mise en œuvre de nos recommandations.  En 2021, nous avons effectué deux visites régulières dans des institutions de soins sociaux spéciaux. Lors des visites de monitoring de ces institutions en 2022, nous avons pu déterminer que, sur un total de 43 recommandations, 28 recommandations ont été mises en œuvre, tandis que 15 ont été acceptées mais pas encore mises en œuvre. Cela démontre des progrès significatifs pour améliorer la qualité de vie et les soins des résident-e-s dans ces deux institutions.

 

Avez-vous documenté les bonnes pratiques dans les lieux de détention ?

Nous avons identifié plusieurs bonnes pratiques et les avons saluées. Les exemples de bonnes pratiques sont mis en évidence dans les rapports de visites et dans les tableaux des recommandations émises sur notre site internet. Par exemple, nous avons particulièrement salué les efforts déployés pour rendre plus agréable le séjour des résident-e-s dans les institutions de soins sociaux pendant la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre de réglementations leur permettant d'avoir des contacts avec leurs proches. Nous avons également salué la mise en place d'activités de loisirs pendant la semaine et la création d'un espace fumeur et d'un parc devant l'unité sécurisée de l'une des institutions visitées. Dans la deuxième institution, nous avons particulièrement apprécié le fait que les résident-e-s de l'unité sécurisée disposent de leur propre sac de cosmétiques et d'hygiène, qui est conservé par le personnel et remis aux personnes résidentes lorsqu'elles en ont besoin. De tels objets privés dans le cadre des soins institutionnels donnent aux résident-e-s un sentiment d'individualité et les aident à prendre soin d'eux-mêmes et de leurs biens.

 

Pouvez-vous nous parler de la valeur ajoutée qu'une optique préventive a apportée à votre travail sur ce thème, par rapport peut-être au travail d'autres organismes de monitoring ou à votre propre rôle d'enquêteur ?

Avec des recommandations visant à améliorer la situation des soins en institution pour les adultes souffrant de problèmes de santé mentale et de déficience intellectuelle, nous avons encouragé les autorités compétentes à rechercher des solutions systémiques (c'est-à-dire légales) afin que ces personnes puissent jouir et exercer leurs droits de l'homme et leurs libertés fondamentales sur un pied d'égalité avec les autres en cas d'éventuelles restrictions de liberté.

 

Vous avez récemment embauché une nouvelle personne pour travailler spécifiquement dans le domaine des visites des lieux de privation de liberté d'enfants et d'adultes souffrant de troubles du développement et de handicaps physiques. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?

Nous essayons de visiter régulièrement toutes les institutions où des personnes privées de liberté sont, ou pourraient être, hébergées. La Slovénie comptant un grand nombre d'institutions d'assistance sociale, nous avons jugé important de renforcer nos activités dans ce domaine et de les étendre à la visite de centres/instituts d'éducation, de travail et de soins[5] et d'unités résidentielles de soins et de centres professionnels[6] , où sont accueillis des enfants et des adultes souffrant de divers handicaps. Notre collègue, qui participe aux visites de ces institutions depuis 2021, ajoute ainsi un élément important à notre travail et renforce le rôle préventif du MNP, notamment en raison de son expérience antérieure dans le service d'inspection sociale.

 

Quels sont les principaux défis auxquels vous avez été confronté dans votre travail pour garantir que les personnes handicapées exercent leurs droits sur la base de l'égalité avec les autres?

Comme nous l'avons déjà mentionné, l'une des questions importantes est la surpopulation des unités sécurisées dans les institutions de soins sociaux spéciaux, en particulier pendant les détentions dans ces institutions en raison du manque d'options de traitement communautaire. Nous souhaiterions certainement une réponse plus active de la part du ministère compétent (ministère du Travail, de la Famille, des Affaires sociales et de l'Égalité des chances), car nous n'avons cessé de souligner avec lui le caractère insoutenable de cette situation depuis plusieurs années. Malheureusement, malgré les nombreuses assurances reçues, aucun progrès significatif n'a encore été réalisé.

Lors de nos visites d'instituts d'éducation, de travail et de soins, et d'unités résidentielles de centres de soins et d'occupation, nous constatons que la liberté de mouvement est restreinte pour la majorité des utilisateur- trice-s ou résident-e-s (c'est-à-dire des enfants et des adultes présentant un handicap intellectuel et/ou physique). Ces personnes ne sont pas en mesure de quitter ces institutions ou unités résidentielles de manière indépendante, conformément à leurs souhaits. Selon la législation applicable, cette restriction de la liberté personnelle dans les institutions de soins sociaux n'est autorisée que sur la base d'une décision de justice (ou d'un consentement si la personne est capable de le donner), conformément aux dispositions de la loi sur la santé mentale, et ne peut être mise en œuvre que dans les services sécurisés des institutions de soins sociaux. Les enfants et les adultes atteints de handicaps intellectuels et/ou physiques résidant dans des instituts d'éducation, de travail et de soins et dans des centres de soins et d'occupation, qui n'ont pas été placés dans ces institutions conformément aux dispositions de la loi sur la santé mentale, mais sur la base d'une décision de placement dans un programme d'éducation spéciale ou d'un accord conclu conformément à la loi sur l'assistance sociale, sont, selon le MNP, soumis à un problème systémique, qui a été signalé au ministère du Travail, de la Famille, des Affaires sociales et de l'Égalité des chances. Nous recommandons au ministère de s'engager activement dans des activités visant à déterminer les bases juridiques appropriées pour restreindre la liberté personnelle des utilisateur- trice-s ou résident-e-s dans tous les instituts d'éducation, de travail et de soins et les centres de soins et d'occupation en Slovénie.

 

Enfin, comment votre étroite coopération avec la société civile a-t-elle contribué à votre capacité à changer les choses par rapport à ce thème ? Notamment grâce à l'expertise spécifique qu'ils possèdent sur le sujet ?

Cette coopération doit être envisagée sous deux aspects. Le mécanisme national de prévention effectue son travail conformément à la législation de la République de Slovénie, qui régit son travail en collaboration avec les organisations non gouvernementales sélectionnées. Leurs représentant-e-s participent de manière constructive aux visites individuelles et contribuent à la qualité des visites et des recommandations soumises grâce à leurs connaissances spécialisées et leur expérience,[7] notamment à l'amélioration de la situation dans les institutions visitées et au partage des bonnes pratiques. L'organisation non gouvernementale participante peut utiliser les résultats des visites, notamment les recommandations visant à améliorer la situation, directement dans son travail et ses projets. Le mécanisme national de prévention entretient des contacts réguliers et de qualité avec les organisations non gouvernementales qui travaillent dans le domaine des personnes privées de liberté. Avant même que l'organisation non gouvernementale Spominčica-Alzheimer Slovenija,[8] ne commence à participer aux visites du MNP, le MNP renforçait sa coopération avec elle et partageait ses connaissances lors des sessions de formation de l'organisation non gouvernementale concernée. Sur cette base, le premier point ami des démences en Slovénie a été ouvert au bureau du médiateur des droits de l'homme.

 

 

 

[1] Conformément à la loi sur la santé mentale, un service sécurisé est une unité au sein d'une institution de soins sociaux où les personnes bénéficient en permanence d'une protection et de soins spéciaux en raison de leurs besoins particuliers, et où elles ne peuvent pas quitter l'institution de leur plein gré.

[2] Conformément à la loi sur la santé mentale, un établissement de soins sociaux est un établissement public général ou spécial de soins sociaux ou un concessionnaire qui fournit des services au sein du réseau de services publics, et qui est axé sur la protection, l'hébergement et la vie des personnes dont le traitement hospitalier aigu lié à un trouble mental est terminé ou qui ne nécessitent pas de traitement hospitalier.

[3] Conformément à la loi sur la santé mentale, une mesure de protection spéciale est une mesure d'urgence utilisée pour permettre le traitement médical d'une personne ou pour éliminer ou contrôler un comportement dangereux lorsque sa vie ou celle d'autrui est en danger, lorsque sa santé ou celle d'autrui est gravement mise en danger ou lorsque le comportement de la personne cause des dommages physiques graves à elle-même ou à autrui et que la mise en danger ne peut être évitée par d'autres mesures plus légères.

[4] Cette loi stipule le système de soins de santé et d'aide sociale dans le domaine de la santé mentale, les prestataires de ces activités et les droits des personnes pendant le traitement dans un service spécialement surveillé d'un hôpital psychiatrique, le traitement dans un service sécurisé d'un établissement d'aide sociale et pendant un traitement supervisé.

[5] Les institutions sociales de formation ou d'éducation, les centres de travail et de soins acceptent de prendre en charge en institution tous les enfants et adolescents présentant un handicap intellectuel modéré, sévère ou profond, qui y sont placés sur la base d'une décision émise par l'Institut national de l'éducation de Slovénie.

[6] Les centres de soins et d'occupation accueillent des personnes présentant un handicap intellectuel et physique modéré, sévère ou profond. Les centres effectuent des formes de travail ajustées dans des conditions spéciales, destinées aux personnes qui sont incapables de mener une vie et un travail indépendants et qui ont besoin d'une assistance pour leurs soins. L'objectif est de promouvoir la créativité, le sens du but, l'affirmation de soi et de permettre aux utilisateurs de jouir du plus grand degré d'indépendance possible. Les centres de soins et d'occupation mettent également en œuvre le service de soins institutionnels, qui comprend toutes les formes d'assistance qui remplacent ou complètent les fonctions d'un foyer ou de leur propre famille pour les adultes présentant un handicap intellectuel et physique, notamment l'hébergement, les soins, les repas organisés et les soins de santé.

[7] L'une des organisations non gouvernementales participantes est, par exemple, Novi paradoks - Société slovène pour la qualité de la vie, qui est une organisation humanitaire à but non lucratif travaillant dans l'intérêt public dans le domaine de la santé mentale.

[8] L'association slovène d'aide aux personnes atteintes de démence, Spominčica - Alzheimer Slovenija, est une association d'experts indépendante, à but non lucratif et interdisciplinaire, dont le but et l'objectif premiers sont d'assurer une assistance experte et efficace aux personnes atteintes de démence, à leurs proches et à leurs aidants.

Blog Monday, December 19, 2022